UN DESERT DIFFICILE A VAINCRE !
Entre PIURA et CHICLAYO s'étend un désert de 210 km. Après avoir quelque peu souffert des reliefs accidentés de la Sierra, un brin de platitude devrait nous faire le plus grand bien. Zéro côte, pas d’altitude, beau temps assuré et tranquillité absolue, un vrai petit régal en perspective...
Ce que nous imaginions comme une idyllique traversée fut en fait tout
l'inverse.
Deux jours de rafales d’un vent incessant nous obligerons à forcer
continuellement sur les braquets.
Vu la chaleur, et comme EOLE semble nous épargner un peu le matin, nous
nous levons à 4h30 afin de parcourir au moins 60km avant midi. Afin de
faire l'aspiration à l'autre, nous nous relayons toutes les minutes.
Les mollets forcent et tirent. Ce vent me rappelle la planche à voile.
Mais en ouvrant les yeux le doux plaisir de la plage de l’Almanarre me
semble bien loin! Ici, la monotonie du paysage rend la progression difficile.
La rectitude de la panaméricaine démoralise.
Pour s'occuper l'esprit, Patricia imagine le confort d’un hôtel,
pense aux copains ainsi qu'aux plages Hyéroises. De mon côté,
je refais le monde à ma façon. Nous sommes régulièrement
obligés de nous repositionner sur nos selles car nos fesses s’endolorissent.
Tenir, TENIR sans fléchir, tel est notre objectif. Je n’ose hurler
sur le vent de peur qu’il ne redouble d’intensité. Nous sommes
au milieu de nulle part: du sable, une route, des épineux et quelques
brindilles qui volent. Pour passer le temps élastique, Patricia évalue
les distances entre nous et les dunes. L'action saccadée des rafales
chahute notre porte fanion dont le drapeau français gifle régulièrement
Patricia située juste derrière moi. Un bus, mirage lointain, mettra
5 minutes pour nous atteindre et nous fouetter par ses turbulences déstabilisantes.
Sa galerie parfaitement proportionnée pour nos vélos excite notre
convoitise et nous coupe les jambes. Il nous faut continuer malgré les
tentations.
Nous reprenons les relais, chacun 1km. Deux mètres nous séparent
sans que nous puissions nous entendre. Nouvelle technique de Patricia, elle
compte: 4 coups de pédalé sur chaque chiffre. A 2002 elle finira
par se lasser. Regarder par terre tout en pédalant est efficace mais
donne rapidement le tournis.
Finalement après deux jours d’efforts exténuants, nous
décidons de mettre le paquet afin d'en finir le plus vite possible. Je
prends la tête du convoi et mouline, mouline sans discontinuer. Nous atteindrons
CHICLAYO, fatigués, les mollets froissés et un début de
tendinite comme ultime récompense de nos efforts.
Malgré tout, nous sommes heureux, heureux d'avoir tenu bon jusqu’au
bout sans succomber au "camion stop". De nombreuses pensées
ont traversées nos esprits, des plus belles aux plus sombres. Le découragement
et la volonté d’y arriver se sont sans cesse succédés.
En tout cas une chose est certaine, sans ce maudit vent, ce désert est
plutôt attrayant.
EXPERIENCE DIFFICILE... A NE PAS RENOUVELER TROP SOUVENT DANS DE TELLES CONDITIONS!
N'est il pas difficile d'ouvrir les yeux, le matin quand votre réveil
sonne?
J'entend d’ici un brouhaha de "oui". Et bien, ici, en Équateur
ou au Pérou, on vous inculque dès le plus jeune âge que
"l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt":
les écoles, à partir du primaire, ouvrent leurs portes à
7 heures du matin. Les cours s’enchaînent alors jusqu’à
13 heures, avec une pause casse-croûte pour reprendre des forces et se
concentrer. La semaine est ainsi rythmée du lundi au vendredi. Le samedi,
jour de repos, il n’est pas rare de voir les élèves des
différentes écoles, parader dans les rues en uniforme et au rythme
de la fanfare. C’est une organisation bien différente de la notre,
mais qui au final, donne un nombre équivalent d’heures d éducation
et de vacances.
Dans les villes et villages que nous avons traversés, la sortie des écoles est toujours un moment impressionnant: en l’espace de quelques minutes, les rues se retrouvent envahies d’uniformes colorés, grouillants de tous côtés. Et si par hasard un confiseur ambulant passe dans le coin, un essaim bourdonnant d'estomacs gourmands s’attache à le dévaliser en moins d’un quart d’heure (la bonne affaire!!!).
Mais ensuite, que font donc tous nos petits écoliers de leur après-midi? Ils ne s’ennuient pas, c’est certain, mais suivant qu’ils habitent en ville ou à la campagne, leurs occupations diffèrent.
En ville, les enfants des familles les plus aisées, ont souvent des cours complémentaires avec des organismes privés (notamment des cours d’anglais), mais en général, la plupart des élèves, et surtout les garçons, se ruent dans le cybercafé le plus proche pour se défouler dans les combats virtuels des jeux vidéos. Rentrés chez eux, il paraîtrait qu’ils passent beaucoup de temps devant la télé. Vraiment, ça m'étonne...
A la campagne, le niveau de vie est nettement plus bas, et les enfants représentent
une aide précieuse pour leurs parents. Nous les avons souvent vus, sans
leur uniforme, dans les champs, les marchés ou simplement à la
maison rendre service et soulager les plus grands d’une partie de leur
travail. Mais il n’est pas question d’exploitation, ils ont de nombreux
loisirs. Leurs jeux favoris (nous leur avons demandé), sont la toupie,
les billes et le VRR-VRR!.
Vous connaissez bien la toupie et les billes, le VRR-VRR consiste à récupérer
une capsule de bouteille de soda, la marteler pour en faire une galette bien
plate, y percer deux trous et y enfiler un fil qu il faudra nouer. Une fois
le montage effectuer, le fil doit être vriller au maximum en laissant
la capsule au milieu. A ce moment là, le fait de tendre d’un coup
le fil, entraîne la capsule dans un mouvement de rotation rapide, qui
telle une hélice, fend l’air et s’exprime en un joli bruit
de VRR-VRR...poétique, non?
Une autre occupation que nous leur connaissons aussi, est de nous suivre le
plus longtemps possible au pas de course, quand nous traversons leur village.
Certains courent très vite, voire plus vite que moi à vélo.
Une fois, il est arrivé q'un groupe très sympa, voyant que je
peinais derrière Cyril, se mette à me pousser. J’ai cru
avoir des ailes et en l’espace d’un instant je dépassais
Cyril allègrement, un sourire jusqu’aux oreilles. Je revois encore
son regard interloqué, le temps qu’il comprenne ce qu’il
se passait...
Merci les enfants!
Finalement "enfants d’un autre continent" mais pas du tout différents...
Depuis ma chute et la découverte de la fracture qui en a été
la conséquence la plus inattendue, il nous est impossible d'envisager
de reprendre la route sur nos montures préférées. Nous
sommes à AYACUCHO et il nous faut absolument trouver une solution nous
permettant de poursuivre le voyage.
Utilisant le temps pendant lequel je passe de consultation en consultation,
Cyril se creuse la tête et trouve l'idée qui pourrait nous permettre
de profiter de la situation de manière originale.
Depuis quelques temps déjà, il est tombé sous le charme
du moyen de transport intra-urbain le plus courant: le MOTOTAXI. Certains sont
des moitiés de moto auxquelles ont été rajoutée
une banquette couverte montée sur deux roues : leur look est très
sympa. Les autres, d'origine indienne, ressemblent plutôt à des
scooters à trois roues. Cyril préfère de loin les motos
aménagées "façon carrosse".
L'idée vient alors d’elle-même:
"Pourquoi ne pas rallier AYACUCHO à CUZCO en mototaxi? Ce serait
une grande première, c’est sur!"
Ne perdant pas une minute, Cyril se renseigne, questionne et obtient un rendez-vous
avec le gérant des mototaxis de la ville. En effet, chacun des mototaxi
a un propriétaire, mais ces derniers se fédèrent en une
corporation pour une meilleure organisation et une meilleure gestion.
Au premier abord, le projet fait beaucoup rire le gérant: "Imaginez
un Gringo aux commandes d’un mototaxi!". Mais devant la ténacité
de Cyril, il nous accorde sa confiance et nous promet d'utiliser son influence
pour nous aider.
Les premiers jours, tous les espoirs nous sont permis, nous pouvons poser nos
exigences. Puis, petit à petit, en apprenant les moindres détails
du projet, chacun des propriétaires se désiste et le 21 juin,
le gérant n'est en mesure de nous proposer que son véhicule personnel:
un modèle indien en très mauvais état.
Déçus dans un premier temps, nous tentons de valoriser son offre
en lui demandant de faire une vérification complète du moteur
et de changer tous les éléments qui ne fonctionnent pas, entre
autre: le frein avant, la marche arrière, l'alternateur, les feux et
aussi le pare-brise et les caches de clignotants. Pour 500 soles(1000 FF), montant
de la location, le gérant est d'accord, et se lance dans la remise en
état de son véhicule.
Le 23 au matin, notre mototaxi arrive, mais le pare-brise n’est pas changé
et il manque les caches des clignotants. Cyril se met en colère, nous
devons partir avant midi!
Bien évidemment, les choses ne seront pas faites à temps. Nous
nous résignons à perdre encore un jour.
En milieu d’après-midi, le mototaxi, fin prêt, s'arrête
devant la porte de l'hôtel. Nous chargeons les vélos dessus et
partons pour un essai dans les rues d'AYACUCHO. Tout se passe à merveille
sur le bitume, mais une fois sur la piste, les vibrations incessantes, font
se débrancher le fil de la bougie. Il faut alors ouvrir le capot moteur
et remettre le fil en place: c'est du rafistolage, il manque une pièce
qui permettrait de fixer correctement le fil à la bougie. Du coup nous
nous arrêtons une fois, deux fois, trois fois... Ca fait beaucoup, nous
avons quand même 600km de piste à faire.
Nous repensons également à l'avis du cyclo espagnol (Alvaro Neil
www.bicyclown.com) rencontré la veille. Pour lui qui vient de pratiquer
la route en sens inverse, elle n’en vaut pas la peine au niveau paysage
et les pentes lui semblent insurmontables avec un moteur si faible (125cm3).
Il nous conseille plutôt de profiter de Cuzco et de sa région.
Ceci mélangé à cela, fait qu’en fin de journée
nous prenons la difficile décision de laisser tomber le projet et finalement
de nous rendre à CUZCO en bus. Nous dédommageons quand même
le propriétaire d'une partie de ce qu’il a investi en vue de notre
location. Pour lui c'est une bonne affaire, le voilà avec un véhicule
en parfait état à un prix défiant toute concurrence!
Nous sommes amers que le projet n'ai pas abouti, mais l'histoire nous aura quand même permis d'ouvrir un volet sur le monde du travail péruvien et de prendre conscience du mode de fonctionnement professionnel local : Connaissance non négligeable en soi !
Nous voila dans le bus pour CUZCO: nous
en avons pour 24 heures avec une connexion à ANDHAUALYAS. La piste que
nous parcourons nous parait tout à fait praticable par un mototaxi. Nous
avons la gorge nouée d'être enfermés dans un bus, alors
que nous pourrions vivre une autre aventure...
Le paysage est malgré tout très beau: de la pampa à perte
de vue. Nous essayons de nous en remplir les yeux.
Changement à ANDHAUALYAS pour le bus de nuit. Nous avons juste le temps
d'avaler un morceau et nous voilà repartis.
J'ai du mal à dormir, il fait froid et mon siège n'est pas confortable.
Je change d’endroit et vais m'allonger au fond du bus. La position est
idéale (toute la banquette est pour moi), mais les vibrations dues au
mauvais état de la piste m'empêchent à nouveau de dormir.
Je me remets sur un siège. Bientôt, Cyril me rejoint et s’allonge
sur la banquette.
Stop à ABANCAY. J'ai une grosse envie. Rapidement, je sors du bus à
la recherche de toilettes en ayant la vision de Cyril qui se rapproche de nos
sièges initiaux. A mon retour, je vais pour ranger le rouleau de papier:
plus de sacs! J’interpelle Cyril toujours au fond du bus: A-t-il les sacs
avec lui?
NON!!!
Moment de vide et d’incompréhension.
Nous venons de nous faire voler tout notre matériel de valeur en l'espace
de 5 minutes par manque d'attention et par excès de confiance.
Pourquoi nous?
Les uns après les autres tous les objets qui nous ont été
dérobés nous reviennent à l'esprit: Appareil photo reflex
avec objectif, le Pocket PC, les pellicules photos, les billets d'avion, l'appareil
numérique, les jumelles, mon journal de bord et bien d’autres choses
encore...
Cyril fait un tour de quartier dans l'espoir de retrouver le voleur. Nous sommes
désespérés.
Nous questionnons tout le monde et demandons à faire une déclaration
à la police. Le bus ne repartira pas tant que nous n’aurons pas
terminé la procédure. Cela prendra 3 heures. Les flics semblent
mettre en cause la société de bus de ne pas avoir filtré
correctement les entrées et les sorties. Mais au fur et à mesure
de l'interrogatoire nous nous rendons compte que c'est peine perdue d'espérer
récupérer quelque chose.
Nous arrivons en mille morceaux à CUZCO, avec l'irrespirable envie de
se dire que ce n'était qu'un cauchemar... Malheureusement, c'est bien
la réalité !
Nous contactons le consul de France honoraire en place à Cuzco dans l'espoir
d'un soutien : Nous nous faisons remballer comme des moins que rien.
Nous rencontrons la police du tourisme de la ville pour affiner notre déclaration
: ce n'est pas possible, il faut le document initial d'ABANCAY.
Nous contactons les assurances de nos carte PREMIER: nous ne sommes absolument
pas couverts pour ce genre d'incident( le contraire eut été étonnant
!)
Nous nous sentons seuls et abandonnés.
Cyril finit par appeler Marie-Claire qui seule, nous apportera un peu de réconfort
dans l'histoire.
Maintenant il nous faut remonter la pente, nous avons estimé les pertes
à 33.000FF.
Moralité de l'histoire : Les bus de nuit sont une aubaine pour les voleurs.
Depuis, nous avons entendu une multitude d'histoires semblables. Alors si votre
voyage vous amène à en utiliser un, nous vous conseillons d'être
a 200% vigilant. Gardez sur vous tous vos objets de valeurs, attachez vos sacs
à vos bras, vos pieds, votre corps, et surtout évitez de dormir...
bon voyage et VIVE LE VELO!!!