Le 30 janvier
La Havane (Cuba)

« Une petite heure de vol entre Cancun et La Havane. Une fois sur place nous craignons le pire. Dans les guides de voyage que nous avons lus, le tourisme semble traité d’une manière un peu particulière, ne laissant pas la place à des découvertes « hors norme ». Par exemple, il est obligatoire d’avoir réservé 3 nuits d’hôtel avant de rentrer sur le territoire, et il est de bon ton de passer par une agence de voyage qui vous aura tout organisé sur place. Évidemment, nous ne répondons à aucun des critères du tourisme classique. Néanmoins le passage de douane s’effectue merveilleusement bien. A peine sortis, nous déballons nos cartons et remontons nos vélos sous les yeux intéressés et certainement envieux des agents de l’aéroport.
La petite 20aine de kilomètres qui nous sépare du centre ville est plus que captivante.
Nous croyons avoir remonté dans le temps : les voitures sont celles des années 50. Des Dodges, des Chevrolet…tous ces beaux modèles aux formes élégantes que l’on ne voit plus que dans les vieux films américains. Des motos aussi, et des side-car. Les gens n’ont pas de casques et montent en famille sur un engin prévu pour 2. Voilà même des vélos qui font briller les yeux de Patricia : ils ont un moteur adapté de façon artisanale. Quand on veut, on trouve des idées ! On apprendra par la suite que c’est un moyen de locomotion tout de même très dangereux.
Plus proche de la ville, ce sont les effigies au Che qui attirent notre regard. Il y en a beaucoup. Et tous ces slogans encourageant la révolution écrits sur les murs. Cuba n’est pas un pays sans caractère, cela se sent même sans parole. »

« Lludenitch est médecin. Sa femme aussi. Ils ont la peau noire et portent des prénoms russes. Ils gagnent 20 dollars par mois en tant que spécialistes. Leur appartement ne leur appartient pas mais leur est alloué. Chaque mois ils utilisent leur carnet de rationnement offert par le gouvernement pour se nourrir. Ils ne sont pas autorisés à partir à l’étranger sauf dans le cadre du travail. Ils ne peuvent pas changer de métier et sont voués à ne pas devenir riches. C’est normal, me direz-vous c’est le communisme. Pourtant, à cause de l’embargo américain, le pays a connu et connaît une crise impressionnante à laquelle la seule porte de sortie semble être l’ouverture au tourisme. Les capitaux affluent par la brèche, mais les beaux côtés du capitalisme reluisent et attisent l’envie de richesse. Fidel Castro tient son peuple grâce à son charisme et à son intelligence dans l’application de sa politique idéaliste.
Les cubains le respectent, mais si demain Fidel disparaissait, quel mode de vie choisiraient-ils ? »

Le 31 janvier
La Havane

« Petit tour de la ville en vélo. Les bâtiments ont une architecture raffinée, un bon lifting donnerait certainement à cette ville un charme semblable à certains quartiers de Paris. Malheureusement il pleut et Cyril a un début de conjonctivite, notre visite s’écourte, nous reviendrons demain. »

Du 01 février au 15 février
La Havane

« 15 jours de galère durant lesquels l’état de santé de Cyril n’a fait qu’empiré. La conjonctivite, simple au départ, est devenue hémorragique avec irritations de la cornée. Après avoir consulté 3 ophtalmologues et trouvé un traitement efficace, une inflammation du genou est apparue. Le médecin orthopédiste, objectif, nous avoua alors qu’il nous serait impossible de reprendre le vélo avant plusieurs mois. La déception fut grande, mais l’urgence était que Cyril se sente mieux. Pour cela nous souhaitions rentrer en France. En contact avec notre assurance internationale (Mondial Assistance), le combat, et je pèse mes mots, dura 10 jours pour enfin obtenir ce rapatriement auquel nous répondions dès le début. Pendant ce temps, l’évolution de l’inflammation, nous amena à prendre un hôtel pour avoir de meilleures conditions d’hygiène (au frais de l’assurance), puis à une hospitalisation car les soins devenaient trop contraignants. La recherche de renseignements pour confirmer les soins et diagnostics des médecins locaux, et la gestion de l’aide que pouvait, et devait, nous fournir l’assistance occupèrent toutes nos journées. Enfin, notre retour fut fixé au 15 février. »

Dimanche 16 février
Retour à la case départ…

« Les vélos se tiennent empaquetés dans le hall de l’hôpital. Les quelques amis que nous sommes fait sur place nous regardent, émus :
- On est content que vous puissiez enfin rentrés, mais revenez vite, il faudra quand même que vous visitiez Cuba. A pied, à vélo, en voiture, comme bon vous semblera, mais il faudra le faire…
- Bien sur que l’on compte revenir ! Ces 15 jours passés à La havane, dans des conditions très particulières, ont au moins eu l’avantage d’exciter notre appétit de découverte.

Deux ambulances arrivent. La première nous est réservée, la suivante est pour nos bagages. C’est le signal du début du retour…
Le paysage défile : la ville, sa banlieue, puis des champs de canne à sucre . Des gens attendent le bus, des enfants font une partie de foot improvisée, une mamie avance lentement en s’appuyant sur sa canne, une peinture à l’effigie du Che nous apparaît dans un flash, un side-car rempli d’une famille se met de côté pour nous laisser passer: les cheveux de la mère flottent au vent, les enfants ont les yeux brillants de bonheur et le père très concentré s’applique à sa conduite… Les dernières images de l’aventure se fixent dans nos têtes. On se rappelle alors tous les kilomètres parcourus et tout le bonheur accumulé. Nos gorges sont serrées, on réalise que c’est la fin du projet…

Nous sommes installés dans l’avion. Il y a en même temps que nous deux autres rapatriements : une civière et un autre fauteuil roulant. Des regards compréhensifs s’échangent, mais sans un mot. Il flotte dans l’air un mélange de douleur et de tristesse.

Le décollage est imminent, le commandant de bord annonce une durée de vol de 9 heures et une température à l’arrivée de 2 degrés : ça va être un vrai choc thermique, ici il fait 29 degrés !

Rapidement, à travers le hublot, l’océan offre à nos regards son immensité d’apparence infinie. Aucun détail pour accrocher l’attention. L’esprit, libre, vogue alors à son envie :


« Paris. T’imagines, ça fait exactement 9 mois et 15 jours que l’on est parti…
Tu crois que l’on va noter des changements ?…
Est-ce que ça va être facile de replonger dans une vie de sédentaire ?…
Et nos amis, penses-tu qu’ils vont nous trouver changés, après tout ce que l’on a vécu, toutes les rencontres que l’on a faites, tous les sentiments qui nous ont fait vibrer et que l’on a du apprivoiser ?… »


Je me sens remplie d’une nouvelle énergie, solidifiée dans ma structure, plus épanouie…
C’était quand même extraordinaire.
Je crois que ça va être dur à partager et à faire comprendre…Ce qu’il faudra surtout c’est encourager à partir, à voyager, à réaliser ses rêves… On se sent tellement bien après, c’est finalement ce que l’on peut souhaiter de mieux pour les autres. »